Méditerranée
Avec Méditerranée, Jean-Daniel Pollet propose une méthode radicale qui consiste à convertir chaque plan en image et chaque image en signe, comme une sorte de tableau de conversion qui s’applique implacablement à tout le film.
« Tableaux ramenés et lentement rapprochés,
les uns des autres,
emboîtés les uns dans les autres,
silencieusement » écrivait Philippe Sollers pour la voix off.
Voir Méditerranée, c’est donc apercevoir des images au seuil du mouvement et à la limite du langage, un peu à la façon de ces archéologues, avançant à tâtons dans des couloirs couverts de hiéroglyphes.
Images ou lettres, traces ou symboles se suivent à l’écran, comme si le cinéma pouvait porter à son tour la fragilité d’une mémoire, d’un passé persistant.
« Et toujours cette montée d’immensité à l’intérieur,
cette montée de mémoire flottante »
Dans Méditerranée tout finit aussi par s’annuler dans l’immobilité, et l’immobilité se figer dans une répétition permanente. Horus tendant ses mains vers l’horizon, pyramides, blockhaus, ruines, pierres. Serait-ce le passé et l’histoire qui grondent comme une machine ?
« L’accumulation de mémoire se poursuit, monotone. »
Rien de ce monde muet ne semble fait pour le cinéma, il n’y a pas d’action dans Méditerranée, à peine des images, et pas plus que des sons, un rythme. Pourtant, à force de répétitions obstinées, le montage fait émerger un désir de mémoire et de ce désir, le sentiment d’un commencement.
« On est dans ce travail millénaire, incessant,
l’une après l’autre les pièces du jeu sont reprises, elles seront relancées,
autres et les mêmes,
de la même façon et différemment. »
Puis vient une promesse, un sourire sur le visage d’une femme : princesse antique et paysanne, belle et ordinaire, farouche et simple. En se coiffant si soigneusement, si patiemment, elle montre dans ce déluge de décombres, une intention, un geste, comme ce dieu Horus qui tend ses mains vers l’horizon.
« Tandis que très haut, échappant au jeu, on dirait qu’un silence massif indique le nord. »
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Seven
Seven reste un film majeur parmi tous ceux très nombreux qui traitent du mal et des serial killer en particulier. Chaque scène est motivée par de bonnes idées comme celle de la fin du film dans le désert qui reste encore un moment d’anthologie du cinéma.
De manière générale, Fincher trouve un bon équilibre entre le film d’ambiance et le film d’action sans jamais céder absolument à l’un, ni à l’autre de ces genres. S’il y parvient, c’est notamment grâce à un sens du détail assez remarquable qui exploite toutes les ressources du cinéma. Des acteurs aux décorateurs en passant par les accessoiristes, tous jouent un rôle dans cette mise en tension du récit. L’ensemble du film peut sembler parfois un peu lourd, trop gothique peut-être, mais la structure du scénario qui se décline selon les jours de la semaine et dans l’ordre des 7 péchés capitaux, guide l’attention et tient le spectateur en haleine.
Enfin, ce qui distingue ce film de tous les autres du même genre, c’est le niveau de perversion mis en scène par Fincher. Les trouvailles en matière de torture sont toutes aussi remarquables qu’embarrassantes. Non seulement parce qu’elles mettent le spectateur dans la situation classique du voyeur, mais aussi parce qu’elles créent un sentiment contradictoire de dégoût et d’admiration. En effet les techniques de torture employées sur les victimes sont ingénieuses, voire parfois savantes.
L’admiration peut sembler un mot trop fort pour qualifier ce sentiment esthétique, mais après tout, c’est Kevin Spacey lui-même qui le dit à plusieurs reprises à la fin du film. Comme pour faire la preuve de son propre génie, John Doe, qu’il incarne avec brio, ne cesse de déclarer son admiration aux deux policiers, et plus particulièrement à Brad Pitt qu’il a l’air de trouver mignon de surcroît. Or cette admiration partagée entre le spectateur et le psychopathe n’est pas anodine, elle rapproche encore plus le cinéma de l’expérience du mal. L’admiration n’est-elle pas un péché comme les autres ? De cette manière, David Fincher rappelle que le cinéma est une machine à rendre coupable parce qu’il nous rend complice de voir, quel que soit notre sens moral, notre probité.